À la fin du Moyen Âge, au cœur de la vaste forêt de Mormal, vivait une vieille femme recluse dans une clairière isolée. Elle n’avait ni famille ni amis, et les villageois la connaissaient à peine. Pourtant, sa présence suscitait chez eux une profonde appréhension, alimentée par les rumeurs et les superstitions de l'époque. Cette femme mystérieuse, souvent perçue comme une sorcière, était vue avec méfiance et crainte.
À cette époque, une meute de loups sévissait aux abords de la forêt, répandant la terreur parmi les éleveurs et dévastant les troupeaux de la région. La vieille femme entretenait une relation singulière avec ces bêtes sauvages. Parfois, elle se mêlait à eux comme s’ils étaient sa véritable famille, échangeant avec les loups des gestes de complicité et de compréhension. Cette proximité inhabituelle renforçait sa réputation de sorcière aux pouvoirs maléfiques, capable de dompter les forces de la nature.
Un jour d'automne, alors que la forêt se parait de ses couleurs flamboyantes, un grand loup gris surgit de l'ombre, les yeux emplis de panique. Il s'approcha de la vieille femme, implorant son aide. Sans hésiter, elle suivit l'animal à travers les sous-bois jusqu'à un endroit reculé où gisait sa femelle, la patte prisonnière d'un piège cruel tendu par un berger. La louve, ensanglantée et souffrante, avait la patte broyée par les mâchoires de fer.
Avec une délicatesse infinie, la vieille femme libéra la bête du piège et, la portant dans ses bras, la ramena à sa chaumière pour la soigner. Pendant plusieurs jours, elle veilla sur l'animal, lui prodiguant des soins et des attentions sans relâche. Mais malgré tous ses efforts, la louve succomba à ses blessures, expirant dans ses bras. Le cœur lourd, la vieille femme, accompagnée du grand loup gris, enterra la louve à l'ombre d’un majestueux chêne.
Le grand loup, dévasté par le chagrin, resta couché près de la tombe de sa compagne, refusant de s'éloigner. Malgré les tentatives désespérées de la vieille femme pour le nourrir et le réconforter, il se laissa mourir de tristesse. Une dizaine de jours plus tard, à l'aube, elle découvrit son corps inanimé. Elle l'enterra au pied d'un chêne voisin, pleurant la perte de ses compagnons.
La légende raconte que quelques jours après cet enterrement les branches des deux chênes s'étaient entremêlées pour former un immense arc de cercle, comme si les arbres voulaient s’enlacer. On dit que les nuits de pleine lune, on peut entendre le cri du grand loup disparu, un chant mélancolique et éternel dédié à sa belle, résonnant à travers la forêt comme un écho de leur amour perdu.
Le lieu dit du « Quesne au Leu » (« Chêne au loup ») à Audignies est le témoin de cette histoire. L’un des deux chênes est encore visible de nos jours, l’autre ayant été déraciné lors d’une tempête.