Le Nekker de Bergues

et sa cousine du Pas-de-Calais
Marie Grauette

Dans les eaux stagnantes près des remparts de Bergues, on entend parfois à la tombée de la nuit le murmure du Nekker : Une créature, mi-homme, mi-animale qui attrape les vilains enfants qui s’approchent un peu trop près du bord de l’eau.

Cette créature aux oreilles et dents pointues, surgit d’un coup de l’eau et les capture dans ses longues mains fourchues. Ils les emmèneraient au fond des eaux pour les faire disparaitre à jamais.

Le Nekker est l’équivalent du Nixe dans la mythologie germanique, qui s’apparente aux nymphes. Il a plusieurs cousins dans le Pas-de-Calais, là où les marais sont très présents. Dans ses endroits, pour éviter les accidents, les Histoires de Nekker servaient à effrayer les enfants pour s’assurer qu’ils n’aillent pas trainer près des rives et éviter les accidents. C’est ainsi que dans le Boulonnais, un autre Nekker est connu, et dans la Région de l’Aa on parle d’un fantôme qui aurait des pouvoirs similaires.

Marie Grauette quant à elle, est la plus connue des nixes dans les Hauts de France. C’est une vilaine sorcière qui sévit dans les marais de l’Audomarois près de Saint-Omer.

On dit que partout où l’eau croupit, partout où l’eau est trouble, elle n’est pas loin ; que partout où il fait sombre, dans la noirceur des caves, elle n’est jamais très loin.

Tapie dans l’ombre des souterrains, dans les marais, au fond du puit ou dans les haies, elle hante les rives sombres des rivières, guettant alerte les enfants méchants, capricieux ou pleurnichards.

Elle les attrape d’un coup de groët qui ne quitte jamais sa main, à moins que ce ne soit sa main elle-même, avec des ongles grands comme une fourche.

La peau ridée, le teint blafard, Marie Grauette sent le purin. Il paraitrait que la brume sur les marais serait la traîne de son voile blanc qu’elle étend sur l’étang.

Elle observe le reflet du visage des enfants sur le miroir de la surface des eaux calmes, évaluant s’ils sont gentils ou s’ils sont méchants. Elle les attire alors d’un coup de groët au fond des eaux. A sa convenance elle les mange en ricanant ou, dans un excès de gourmandise, elle préfère sucer leur âme et rendre au petit matin leur corps vidé de vie sous les arbres tordus des marécages.

On dit qu’une fois par an, pris par un sortilège quand le soleil se lève sur les marais elle sort de l’eau. Alors si tous les enfants chantent et font une ronde autour d’elle, elle se transforme en gentil fée, et son groët si maléfique se change en baguette magique attirant le temps d’une journée les elfes, les sylphes, les nymphes et les lutins des environs, dans un grand moment de joie.